Clap de fin pour le 24e édition du Festival Gnaoua et Musiques du Monde. Une édition exceptionnelle à plus d’un titre. Exceptionnel par son public, dont beaucoup viennent du monde entier. Un public joyeux, festif, exprimant haut et fort son bonheur de retrouver le festival dans sa version initiale.
Ils étaient près de 300 000 festivaliers à déambuler entre la place Moulay El Hassan, la scène plage, Borj Bab Marrakech ou encore des lieux d’exception comme Dar Souiri, Bayt Dakira ou Zaouia Issaouia, pour des moments plus intimistes. Un public également heureux de prolonger la fête dans les ruelles de la médina, sous les remparts et sur les places de la ville entre happenings musicaux, jam sessions improvisées et showcases.
Une édition exceptionnelle aussi par sa programmation pointue, mais accessible sous le signe de la communion, de la joie et du partage. Pendant trois jours, plus de 35 mâalems, maîtres incontestés de la fête, ont offert des moments intemporels d’une rare beauté, transportant le public entre fusions audacieuses et pure tradition Gnawa.
Au total, 480 musiciens du Maroc et de 15 pays ont fait résonner les musiques du monde bien au-delà des murs de la ville, avec une cinquantaine de concerts programmés. Etats-Unis, Burundi, Pakistan, France, Allemagne, Belgique, Cuba… les musiciens du monde ont, une fois de plus, répondu à l’invitation de leurs confrères les Gnaoua Maâlems. Un enthousiasme d’artistes internationaux et une confiance que le festival a su tisser au fil des années à force de persévérance, d’obstination et de détermination et surtout grâce à sa philosophie originale, dont le festival ne s’est jamais départi, basée sur l’esprit de partage, de découverte et de fraternité. Comme d’habitude, ce 24e édition a ouvert une parenthèse qui a permis à la magie de s’exprimer.
Une ouverture marquée par la joie des retrouvailles, la fusion extraordinaire de 2 héritages universels et la découverte de 2 voix féminines puissantes.
Le traditionnel défilé a donné le ton dans la joie, avec son cortège de sons et de couleurs pour emmener les festivaliers vers un concert d’ouverture explosif fait de la rencontre de deux arts ancestraux et classés au patrimoine universel par l’UNESCO. Les Tambours du Burundi, représentés par la compagnie Amagaba et l’art de la tagnaouite illustré par les frères Kouyou, ont fusionné, accompagnés des solos envoûtants du saxophoniste Jaleel Shaw et ponctués de moments de grâce, interprétés par la chanteuse Sanaa Maharati. La soirée du jeudi 22 juin a également offert un moment de partage et de fête avec l’hypnotique et électrique Selah Sue qui a exprimé sa joie de découvrir un public des plus stimulants. Un concert qui restera dans la mémoire des festivaliers, mais aussi dans celle de l’artiste belge qui n’a eu de cesse de rappeler sa fascination pour l’énergie positive et débordante du festival. Plus tard, l’évidente complicité entre l’intrépide Maâlem Khalid Sansi et le groupe le plus bouillonnant de la musique afro-cubaine, El Comité, a prouvé, s’il en était besoin, que les sonorités africaines ont traversé le monde pour revenir à leur source, nourries d’influences diverses.
La fête continue dans un climat d’euphorie avec des artistes du monde entier. Hoba Hoba Spirit livre un concert d’anthologie et électrise la foule place Moulay Hassan.
La soirée du vendredi 23 juin a apporté son lot de moments exceptionnels avec un deuxième concert d’El Comité et la prestation très réussie de Fehd Benchemsi & The Lallas au Borj Bab Marrakech. Sur la place Moulay Hassan, le mythique Eliades Ochoa, l’un des plus grands soneros de l’histoire de la musique afro-cubaine et membre du projet Buena Vista Social Club, a plongé les quadragénaires dans une belle et douce nostalgie et séduit les plus jeunes avec ses rythmes entraînants.
Empli de spiritualité et d’énergie positive, la fusion entre le maître du Qawali Ali Faiz Ali et les Aissawa de Fès, “Nass El Hal” a galvanisé la foule, avant que les trublions du rock marocain, ne les entraînent dans une joyeuse tornade musicale. Les Hoba Hoba Spirit, accompagnés de leurs membres historiques Anouar Zehouani et Othmane Hmimer, venus de l’étranger pour l’occasion, ont offert, 20 ans après leur première participation au festival, l’un des plus beaux concerts de leur carrière.
Une foule de jeunes, moins jeunes, nationaux, étrangers, mères de famille, reprenant en chœur les paroles de leurs tubes, dont “Welcome to Casa” réinterprété sur scène en “Welcome to Essaouira”.
De l’autre côté de la ville, sur la scène de la plage, Maâlem Omar Hayat, connu pour ses performances scéniques incroyables, mettait le feu à la scène. Les plus puristes parmi les festivaliers ont pu vivre des moments d’extase entre les lilas intimes où les rituels souriaient, roudani, mesfioui, chamali… ont pu s’exprimer dans la plus pure des traditions.
Les Maâlems au cœur du festival : une clôture qui a fait briller de mille feux la culture Gnaoua et les rythmes africains !
La soirée du samedi 24 juin a offert aux festivaliers une ascension émotionnelle des plus puissantes. Entre fusions savantes, énergie débordante et rythmes du monde.
Sur la scène du Borj Bab Marrakech, le Trio Joubran, venu de Palestine, a rendu un vibrant hommage à Mahmoud Darwich et a fait chanter à l’unisson un public conquis.
L’un des temps forts de cette édition aura certainement été la rencontre entre le plus éclectique des mâalems marocains, Majid Bekkas, avec le talentueux vibraphoniste David Partois, le génie du rythme du spoken word, cet ancêtre du slam, le percussionniste argentin Minino Garay, le batteur Mokhtar Samba ainsi que le saxophoniste Axel Camil.
Une sortie en résidence qui a illuminé le ciel d’Essaouira de mille et une étincelles. Plus tard, la pleine puissance des divas d’Afrique s’est exprimée sur scène avec la rencontre des Amazones d’Afrique et Asmaa Hamzaoui et Bnat Tombouctou. Un concert qui a confirmé l’enracinement profond et indéfectible du festival dans son continent.
Fusion, partage et mixage une nouvelle fois avec l’un des meilleurs concertistes marocains, Maâlem Hamid El Kasri accompagné de Jaleel Shaw, Torsten de Winkel et Mustapha Antari, et un public encore emporté par cette précieuse alchimie, née de la rencontre entre les meilleurs musiciens du monde et la musique des maîtres Gnaoua, dont seul le festival a le secret.
Clôturant en apothéose, sur la scène des plages également avec le célèbre groupe Gnawa Diffusion, porté par son charismatique leader Amazigh Kateb, qui a retrouvé son public à Essaouira, après plusieurs années d’absence. Un concert explosif, devant un public qui n’a pas caché son enthousiasme.
Le 10e édition du Forum des droits de l’homme a ouvert des débats essentiels, soutenus par des interventions de très haut niveau.
Ce 24e édition a également été rythmée par des moments de rencontres, d’échanges, de débats et de réflexion sur toutes les pistes possibles. Ceux qui peuvent conduire à un monde plus harmonieux, plus généreux, plus libre de penser et d’agir. A l’heure où les débats identitaires traversent et divisent parfois les nations, le Forum des droits de l’Homme a réuni un panel d’universitaires, d’intellectuels, d’acteurs associatifs et d’artistes autour d’un thème brûlant d’actualité « Identités et appartenances ».
Pendant deux jours, des intellectuels, des artistes et des militants des droits de l’homme ont participé à ces échanges. Le public du forum a ainsi pu écouter et échanger avec des sommités internationales comme l’historien Patrick Boucheron, membre du Collège de France, l’anthropologue et historien professeur à UCLA, Aomar Boum, le professeur de philosophie Yacouba Konaté, le président-directeur général de l’entreprise internationale Solvay, Ilham Kadri, mais aussi des artistes comme Minino Garay ou des acteurs de la société civile et des femmes politiques comme Fadila Mehal, fondatrice des Mariannes de la diversité et élue par la ville de Paris.
Répartis en six panels, les débats, enrichis par des échanges avec les participants, ont porté sur des questions telles que « Les tensions identitaires, un mal universel ? », « Identités sereines et universalisme fraternel » ou « Individus, communautés et nations : un besoin d’identité ».
“L’essence et la philosophie du festival et du forum est de se retrouver dans un espace où l’on peut échanger librement et équitablement sur des questions essentielles à l’humanité”, a rappelé Neila Tazi, la productrice du Festival Gnaoua et musiques du monde. “Le thème du forum fait partie de la relation à l’autre, qui travaille depuis des siècles à l’ouverture des gens et c’est vraiment ce que nous essayons de faire ici, à l’ouverture des esprits”, a-t-elle déclaré.
Driss El Yazami, Président du CCME a rappelé que la société marocaine découvre, parfois durement, son nouveau visage cosmopolite. “Nous sommes ainsi confrontés à la gestion du pluralisme et de l’altérité et tous les acteurs marocains sont interpellés à cet égard”.
Le festival Gnaoua, c’est aussi des rencontres conviviales avec des artistes, des ateliers et un projet d’accompagnement de la jeune génération de musiciens gnaouis…
Dans un autre registre et de manière plus décontractée, artistes, journalistes, festivaliers et acteurs culturels, se sont retrouvés, chaque après-midi autour d’un thé, à L’Arbre à palabres. Un moment d’échange et de partage sur une terrasse de la médina, où les artistes viennent à la rencontre des festivaliers dans une ambiance conviviale.
Fidèle à sa mission de transmission des savoirs, de sauvegarde et de promotion de la culture Gnaoua, l’association Yerma Gnaoua a initié cette année le projet « Ouled Bambra ». L’occasion pour la jeune génération de côtoyer les plus grands maâlems. 8 troupes de jeunes Gnaouis, provenant de 8 régions du Maroc, Safi, Essaouira, Agadir, Marrakech, Casablanca, Asilah, Fès et Rabat se sont produites devant un jury composé de professionnels du monde de la culture et de la musique et ont bénéficié de leurs conseils et de leur soutien.
Cette année, sur les différentes scènes et espaces du festival, une fois de plus, une partition unique au monde a été jouée, faite d’une alchimie exceptionnelle, de rencontres intenses, d’échanges sereins et de nouvelles amitiés qui font de ce 24e édition du Festival Essaouira Gnaoua et Musiques du Monde, s’inscrit plus que jamais dans une volonté de faire de ce festival un haut lieu d’expériences musicales nouvelles et de rencontres entre les maâlems Gnaoua et les plus grands musiciens de jazz ou de musiques du monde, mais aussi un espace de débats d’idées pour repenser le monde.