Donnée largement gagnante depuis des mois par tous les sondages, la droite espagnole ne devance dimanche soir que de justesse les socialistes du Premier ministre socialiste Pedro Sánchez, qui, contre toute attente, conserve une chance de se maintenir au pouvoir grâce au jeu des alliances, selon des résultats partiels.
Après dépouillement d’un peu plus des trois quarts des suffrages, le Parti Populaire (PP) d’Alberto Núñez Feijóo totalisait 132 sièges sur un total de 350 au congrès des députés et le parti d’extrême droite Vox, son seul allié potentiel, 33 sièges.
Le PP gagnait donc 43 sièges de plus que lors des élections précédentes, en 2019, mais était loin des 150 sièges que visitait M. Feijóo. Surtout, le PP et Vox ne totaliseraient que 165 sièges, loin de la majorité absolue nécessaire pour gouverner, qui est de 176.
Le Parti socialiste de Sánchez était lui crédité de 126 députés et Sumar, son alliée de gauche radicale, de 30.
Mais Sánchez, au pouvoir depuis cinq ans, se trouve dans une meilleure position que son rival et peut espérer se maintenir au pouvoir, car il a une chance d’obtenir le soutien des partis basques et catalans pour qui Vox est un épouvantail.
Si aucune majorité viable ne se dessinait, de nouvelles élections pourraient avoir lieu, dans un pays qui a connu quatre élections générales entre 2015 et 2019.
Les sondages réalisés au cours des derniers jours, et dont les résultats ont été publiés à la fermeture des bureaux de vogte à 18H00 GMT, prédisaient tous une large victoire du PP et même la possibilité d’une majorité absolue avec l’appui de Vox.
Après avoir voté, Feijóo, ancien baron régional du PP qui espérait que son « moment » était « venu » de diriger le pays, avait déclaré espérer que l’Espagne « entame une nouvelle ère ».
Plebisicité à la tête du PP, il ya un an, ce politicien modéré de 61 ans avait fait campagne sur « l’abrogation du sanchisme », néologisme faisant référence au nom de M. Sánchez, que la droite accusée d’avoir franchi des lignes rouges, notamment en graciant les indépendantistes catalans condamnés pour la tentative de sécession de 2017 ou en négociant au Parlement le soutien du parti basque Bildu, héritier de la vitrine politique de l’ETA, pour faire adopter ses réformes.
Coup de poker
Habitué des coups de poker, Sánchez a tenté un nouveau en convoquant ce scrutin anticipé au lendemain de la déroute de la gauche aux élections locales fin mai pour tenter de reprendre l’initiative.
Faisant campagne sur son bilan, plutôt bon en matière économique, il a surtout agité la peur de l’extrême droite pour tenter de mobiliser l’électorat effrayé par une entrée de Vox au gouvernement.
Une coalition gouvernementale entre le PP et Vox aurait marqué le retour au pouvoir de l’extrême droite en Espagne pour la première fois depuis la fin de la dictature franquiste en 1975, il y a près d’un demi-siècle.
Sánchez pourrait avoir obtenu d’une forte mobilisation de la gauche, la participation ayant atteint près de 70 %, soit 3,5 points de plus que lors du dernier scrutin, en novembre de 2019.
Près de 2,5 millions d’Espagnols ont notamment voté par correspondance, un chiffre record dû au fait que ce scrutin était le premier organisé en plein été.
Vox gouverne déjà avec le PP dans trois des 17 régions du pays où cette formation, née fin 2013 d’une scission du PP, a montré qu’elle ne prévoyait pas lâcher du lest sur ses priorités.
Ce contrôle a causé un intérêt inhabituel à l’étranger en raison de l’échec de l’arrivée au pouvoir d’une coalition PP/Vox dans un pays considéré comme pionnier en matière de droits des femmes ou de ceux de la communauté LGBT+.
Très proche des positions du Premier ministre hongrois Viktor Orban, Vox rejette l’existence de la violence de genre, critique le « fanatisme climatique » et est très ouvertement anti-LGBT et anti-avortement.
Dans une tribune publiée dimanche dans le quotidien français Le Monde, l’ancien Premier ministre travailliste britannique Gordon Brown a révélé qu’une entrée de Vox au gouvernement « pourrait des répercussions sur tout le continent ».