Ce sont bien les dynamiques régionales en jeu qui ont influencé le report sine die de la visite d’État du président tunisien, Kaïs Saïed en Mauritanie. Ces ajournements de dernière minute sont simplement dus au refus de la Mauritanie de se plier aux caprices de l’Algérie dans la création d’un prétendu « club maghrébin » sans le Maroc.
En effet, la position mauritanienne, accompagnée du rejet sans équivoque du gouvernement libyen face à ce qu’ils ont qualifié de « proposition algérienne pervertie de ses principes », met en lumière le fait qu’aucune union maghrébine ne saurait être envisagée en l’absence de la présence marocaine. Cette situation rocambolesque a donc contraint Kaïs Saïed à reporter son voyage en Mauritanie à une date indéterminée, une décision qualifiée par les analystes de pur fruit des manigances du régime algérien.
Pour Abbas El Ouardi, professeur de droit public à la FSJES de Rabat et directeur général du Journal africain des sciences politiques, « les actions de Kaïs Saïed semblent se résumer à une expression de ressentiments et de rancœurs. L’homme semble être entraîné dans les méandres des agendas étrangers, notamment l’agenda algérien, avec la tentative d’impliquer un groupe de pays maghrébins dans ce schéma« .
Il souligne, dans une déclaration à Hespress FR, que la Mauritanie est profondément consciente de l’orientation politique de l’Algérie et prend soin de ne pas se laisser piéger par les manœuvres que la junte militaire algérienne cherche à mettre en place à l’encontre d’un ensemble de nations maghrébines, comme elle l’a déjà fait auparavant avec la Libye et désormais avec la Mauritanie.
De plus, Nouakchott est parfaitement au fait du fait que l’homme n’a pas réussi à remplir efficacement ses obligations présidentielles, une réalité confirmée de façon tangible par tous les indicateurs, poursuit l’expert, notant qu’il est évident qu’il agit comme un intermédiaire pour le compte de la junte militaire cherchant à lui conférer des rôles spécifiques dans l’espoir éventuel de gagner les faveurs de cette institution militaire en vue d’un prochain mandat.
« Il apparaît clairement que la diplomatie tunisienne a récemment été en retrait en raison des actions de Saïed. Le Royaume du Maroc n’a pas et ne va pas intervenir dans les affaires internes tunisiennes. La présence de la junte militaire est perceptible dans toutes les orientations tunisiennes, comme l’ont confirmé même les opposants internes, tels que le Mouvement Ennahda et d’autres opposants au président. Par nature, l’ancien président, Moncef Marzouki, a clairement indiqué qu’il y avait des forces occultes tentant de manipuler le système tunisien pour saper l’unité maghrébine« , explique le professeur.
Selon El Ouardi, il existe une nette distinction entre les orientations de la diplomatie algérienne, qui ne parvient toujours pas et ne réussira pas à instaurer la stabilité interne tant espérée du Maghreb, qui connaît un véritable renouveau grâce au Royaume du Maroc. Cependant, Saïed a souvent contredit cette réalité selon son humeur et selon ce qui lui est dicté par le commandement militaire algérien. Par conséquent, il estime ainsi que la Libye et la Mauritanie n’ignorent pas grand-chose des mouvements du régime militaire algérien, devenant davantage évident.